Le verre opalescent Art Déco
MAITRE VERRIER
8/10/20252 min read
Lumière figée, héritage en mouvement
Le verre opalescent est l’un des matériaux les plus fascinants de l’Art Déco. Ses reflets lactés, ses nuances changeantes selon la lumière, et ses reliefs parfois sculptés en font un objet de désir pour les collectionneurs. Mais son histoire commence bien avant les années 1920 : elle prend racine dans l’Amérique des années 1880, sous l’impulsion de deux grands noms, John La Farge et Louis Comfort Tiffany, et grâce au savoir-faire de verriers français émigrés de Lorraine.
Une invention américaine aux racines françaises
À la fin des années 1870, La Farge et Tiffany expérimentent avec des verriers installés à Brooklyn, pour la plupart originaires de Baccarat, Saint-Louis ou du pays de Bitche. Leur objectif : créer un verre à vitrail inédit, à la fois translucide, laiteux et coloré, capable de produire des effets lumineux impossibles à obtenir avec le verre traditionnel.
Ils mettent au point le verre opalescent, un matériau non transparent mais traversé d’une lumière diffuse, aux colorations aléatoires et parfois dichroïques (une couleur en transparence, sa complémentaire en réflexion). Présenté au public français lors de l’Exposition universelle de 1889, il marquera profondément l’évolution de l’art verrier.
La technique : entre cristal et glace de Saint-Gobain
Le procédé reprend des savoir-faire de gobeleterie de luxe et de fabrication du cristal :
Incorporation d’opacifiants comme peroxyde d’étain, acide stannique, cendre d’os, arsenic, ou spath-fluor.
Présence de minium de plomb, confirmant que c’est un cristal opalin.
Fabrication en grandes feuilles par coulage et laminage sur tables métalliques, une technique inspirée de la glace coulée de Saint-Gobain (XVIIᵉ siècle).
Passage sous rouleaux lisses ou sculptés, donnant au verre un relief régulier ou irrégulier.
Cette maîtrise technique permet non seulement d’obtenir l’effet laiteux recherché, mais aussi de créer des variations de couleur et des motifs en surface.
De l’Art Nouveau à l’Art Déco : un langage universel
Si le verre opalescent se diffuse d’abord dans le vitrail américain, il trouve un second souffle en France dans les années 1920-1930, en pleine période Art Déco. Les créateurs l’adoptent pour ses qualités décoratives et sa capacité à jouer avec la lumière naturelle ou artificielle.
Parmi les grands noms de l’Art Déco opalescent :
René Lalique – vases, coupes, luminaires où l’opalescence souligne des motifs floraux ou animaliers.
Marius-Ernest Sabino – sculptures, luminaires et vases puissants, souvent d’un bleu laiteux éclatant.
Edmond Etling – objets décoratifs raffinés, produits notamment à Choisy-le-Roi.
Verlys – reliefs travaillés, motifs marins ou floraux, opalescence bleutée d’une grande intensité.
Un matériau qui a transformé la profession
L’arrivée du verre opalescent dans le vitrail a contribué à faire évoluer le métier : il a déplacé l’attention de la peinture sur verre vers l’exploitation des qualités intrinsèques du matériau. Ce changement a ouvert la voie à d’autres innovations verrières de l’entre-deux-guerres, comme les vitraux blancs de Barillet, les dalles de verre de Gaudin ou la pâte de verre de Décorchemont.
Héritage et collection
Aujourd’hui, le verre opalescent Art Déco séduit les collectionneurs par son mariage de technique, de design et de lumière. Chaque pièce est unique, ses nuances variant selon l’éclairage, rappelant qu’à l’origine, ce matériau est né d’un dialogue entre tradition artisanale et innovation artistique.
Pour révéler toutes les subtilités d’une pièce en verre opalescent, observe-la en lumière rasante et en contre-jour. Tu verras apparaître ses nuances cachées, parfois totalement différentes de celles perçues à la lumière frontale.




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